Karabakh est synonyme de retour. L’Azerbaïdjan a vécu les vingt-six dernières années dans une tension vers l’Ouest, vers un territoire perdu et dont la reconquête est à la fois une religion d’Etat et un élan sincère. Au moins 600 000 Azerbaïdjanais ont été chassés du Karabakh au début des années 1990, au cours des nettoyages ethniques croisés survenus en Arménie et en Azerbaïdjan. Nombre d’entre eux rêvent d’y retourner, dans la foulée des récents combats et de la reprise par Bakou d’une grande partie de l’enclave, entérinée par le cessez-le-feu signé le 9 novembre avec Erevan sous l’égide de Moscou.
L’immense majorité de ces déplacés a dû fuir dans l’urgence en 1993, alors que les forces arméniennes conquéraient les villes et les villages à majorité azerbaïdjanaise des sept districts entourant le Haut-Karabakh. Une toute petite minorité clairvoyante et disposant de relations a réussi à échanger des logements avec des Arméniens chassés d’Azerbaïdjan.
La volonté de revanche et de retour n’est compréhensible que si l’on tient compte des circonstances du départ. « Les Arméniens sont arrivés le 13 août vers 18 heures dans notre village », se souvient Ulkar Allahverdiyeva, 78 ans. « Leurs tanks tiraient sur nos maisons. Je tremblais de peur, c’était terrifiant. Nous avons dû fuir sur-le-champ. Nous avons juste eu le temps de prendre la voiture. Je n’ai même pas eu le temps de prendre les bijoux ni les passeports. Mais j’ai pris ce tapis que vous voyez au sol. Je me souviens d’avoir fermé la porte de ma maison à clé, c’est tout. Pendant la fuite, notre voiture est morte, nous avons dû poursuivre à pied pendant trois jours. »